INTERVIEW : L’écosystème HABITER2030 ; un «bidule» qui fonctionne

mars 2023

C’est sous cette bannière que s’écrivent les collaborations de l’association HABITER2030 avec ses partenaires-prestataires. Alors que les questions de management, les coûts induits, et l’implication des ressources humaines limitent les recrutements au sein des associations, Béatrice Auxent, présidente de l’association HABITER2030, Dométhilde Majek et François Jégou, reviennent sur les bénéfices de ces accompagnements externalisés, et sur la plus-value d’une collaboration avec des designers de politiques publiques. 

Pourquoi avoir choisi d’externaliser certaines compétences et d’avoir favorisé ce type d’accompagnement pour l’association HABITER2030 ? 

Béatrice. Je crois qu’il est important de considérer les deux points de vue, j’entends par là : celui du partenaire et celui de l’association. Si on s’arrête un instant sur le chemin parcouru par celle-ci, on comprend que nous avons tenté différentes formules. Pour accompagner l’événement Solar Décathlon Europe 2019, nous avions une salariée. Je n’étais pas présidente à l’époque de son embauche. Peu après son passage en CDI et suite à la victoire de notre équipe, elle a souhaité quitter son poste. Grâce à la Fabrique des quartiers, nous avons ensuite bénéficié des compétences d’une salariée mise à disposition trois jours par semaine. La formule n’a pas été satisfaisante pour diverses raisons et s’est terminée d’un commun accord. Seule restait Pascale Sannier, prestataire, qui nous accompagne depuis le début de ma présidence sur la partie administrative et financière. Lors d’un conseil d’administration, nous avons défini les compétences dont nous avions besoin et avons recherché les profils complémentaires en prestataires. Nous avons gagné en lucidité et en pragmatisme sur nos besoins. Nous avons aussi acté la nécessité d’avoir une personne ressource sur le plan de la coordination de ces compétences. Aujourd’hui, c’est moi, présidente. Ce qui fonde notre partenariat, c’est la souplesse, la disponibilité ponctuelle et l’accompagnement au long cours. Il nous semble que ce fonctionnement est actuellement adapté pour faire vivre notre projet associatif.

Dométhilde. Nous rejoignons Béatrice sur ces fondements. Nous nous sommes mis d’accord sur des objectifs communs, et une typologie d’activité. Simplement, rien n’est arrêté à l’avance. Nous évoluons en compagnonnage. Chaque demande fait l’objet de l’édition d’un devis spécifique. Parallèlement, nous cheminons ensemble en gardant une oreille attentive aux activités et sujets de l’association HABITER2030. Il y a donc des points de rencontre réguliers. La compétence métier de chacun est bien positionnée. Cela devient pluridisciplinaire et se construit naturellement. Cette souplesse permet des opportunités. Dans le cadre du Méta Plateau Projet par exemple, nous avons eu l’opportunité de partager nos expériences auprès des étudiants sur des questions de prise de parole, d’interviews et de restitution.

François. Si on prend un peu de hauteur, cela pose la question de l’évolution des contractualisations. Aujourd’hui, la règle veut que le commanditaire passe commande à son prestataire. Pour autant, le prestataire peut être force de propositions. Il s’agit d’un fonctionnement réciproque. L’avantage de ce type de fonctionnement, c’est qu’il favorise l’échange à la manière d’un accord cadre où commanditaires et prestataires sont en dialogue. Je vous donne un exemple : dans le projet de recherche européen EVaN (European Value Network) nous avons été amenés à identifier les rôles du design dans certaines entreprises italiennes. Celles-ci avaient fait le choix de fonctionner avec des designers externes (appelés « designer di familia »). Leur discours était simple : ces designers fonctionnaient comme des antennes, par la connaissance du milieu, des tendances, des attentes. De manière similaire, le pool de prestataires extérieurs fonctionne comme des antennes d’HABITER2030 qui répondent selon leurs compétences à ses demandes mais aussi lui suggèrent des actions…

Pourquoi s’adjoindre une compétence de design de politiques publiques ? 

François et Dométhilde. Revenons un instant sur la définition du design appliqué aux politiques publiques. Le design est une approche qu’on pourrait caractériser de la façon suivante : il tend à (ré)interroger les problèmes du point de vue des usagers en cherchant à y apporter des solutions nouvelles co-créées avec les parties prenantes et pour lesquelles l’apport de la visualisation est très important (on donne à voir les processus, les concepts, les schémas, les scénarii). Cette approche de transformation peut s’appliquer à des produits et des services que l’on utilise dans notre vie quotidienne mais aussi à des systèmes plus larges comme une ville, un territoire et aux politiques publiques qui en organisent le fonctionnement.

Béatrice. C’est pour ces méthodes à la fois très concrètes, j’allais dire opérationnelles, et leur impact parfois décisif que j’ai souhaité travailler avec des designers de politiques publiques. Aujourd’hui, HABITER2030 profite de leurs expériences antérieures au long cours. Lors de mon engagement dans une autre association, j’ai fait l’expérience du design de politiques publiques, notamment avec la 27ème région et une résidence auprès des habitants. J’ai été séduite par leur approche pour faire parler les gens, les amener à partager leurs représentations, les faire dialoguer. En ce qui concerne HABITER2030, le travail de visualisation qui a été conduit lors de l’assemblé générale en 2022 a été particulièrement apprécié. Il a permis d’offrir une vue d’ensemble claire et commune des sujets traités. De la même manière, dans le cadre d’une recherche sur le modèle économique pour la rénovation groupée des habitats 1930, l’atelier auprès des habitants sur le modèle économique de rénovation groupée avec une restitution complète a facilité l’appropriation et permis de présenter des solutions.

Quelles sont vos perspectives avec HABITER2030 ? 

Béatrice. Le 25 janvier, un atelier s’est tenu avec les adhérents pour donner à voir l’interconnexion des adhérents, les complémentarités des sujets et les compétences imbriquées pour sortir d’un fonctionnement en couloirs ou en silos. Il sera poursuivi dans les prochains mois.

Dométhilde. Il s’agit finalement de permettre à chaque participant de se projeter et de comprendre comment les sujets se nourrissent les uns les autres.  Qu’il soit enseignant, bailleur, représentant de collectivités, chaque participant est partie prenante des solutions. Notre approche consiste à porter un regard nouveau sur les différents sujets de l’association. Tout simplement, à faire ce pas de côté qui permet de changer les regards.

François. Les personnes qui contribuent à développer et à animer HABITER2030 ont des temps différents. Enseignants, chercheurs, architectes, étudiants, ils participent à leur manière, parfois en décalé, parfois sans se concerter. Cette organisation transdisciplinaire, organique qui se cherche et se réinvente en permanence est caractéristique de ce que Thierry Gaudin, quand il dirigeait le Centre de Prospective et d’Études du Ministère de la Recherche, appelait un « bidule » c’est-à-dire quelque chose d’innovant difficile à définir mais qui semble pertinent face aux besoins, aux réalités et aux compétences. De ce point de vue, HABITER2030, ses adhérents venus d’horizons pluriels et son attelage de prestataires-partenaires constitue un « bidule ». Ce bidule répond à la complexité de l’objet de l’association, l’intrication des sujets, leur interdépendance. Ces structures créent et vivent une forme d’instabilité, questionnant notamment les canons classiques du salariat ou du partenariat. Elles obligent à réinventer des modes de fonctionnement face à l’hypervitesse de la société. Avec HABITER2030, nous nous inscrivons dans cette perspective d’expérimentation tant au niveau du processus que des contenus.

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